Depuis le 29 novembre 2024, en vertu de ce décret et pour éviter toute interruption de traitement préjudiciable à la santé du patient, les pharmaciens d’officines peuvent délivrer les médicaments et dispositifs médicaux nécessaires à la poursuite d’un traitement chronique d’un patient dont la durée de validité d’une ordonnance renouvelable est expirée, par délivrances successives d’un mois – et dans la limite de trois mois.
Le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens (CNOP) résume la genèse de cette dispensation comme suit : « Initialement, ce dispositif était applicable pour le renouvellement exceptionnel de médicaments, dans la limite d’une seule boîte par ligne d’ordonnance. La LFSS pour 2022 a étendu cette mesure aux dispositifs médicaux, puis la loi Rist a prolongé la délivrance exceptionnelle d’un à trois mois. »
On parle ainsi de « dispensation supplémentaire exceptionnelle ».
Une dispensation « supplémentaire exceptionnelle » encadrée
Cette extension des prérogatives du pharmacien dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques est assortie de plusieurs conditions, visant à encadrer cette pratique – sûrement pour éviter qu’elle n’empiète [plus qu’initialement prévu] sur les prérogatives des médecins.
En premier lieu, cette modalité de dispensation est explicitement présentée comme devant intervenir « à titre exceptionnel ».
En deuxième lieu, le décret conditionne cette modalité de dispensation au respect de trois conditions cumulatives :
- L’ordonnance renouvelable expirée doit comporter la prescription du produit [médicamement ou dispositif médical] pour une durée totale traitement d’au moins trois mois
- Le produit ne doit pas être visé par l’arrêté du 5 février 2008 pris pour l’application de l’article L. 5125-23-1 du code de la santé publique – en d’autres termes, sont exclus de cette dispensation exceptionnelle :
- Les médicaments stupéfiants ou auxquels la réglementation des stupéfiants est appliquée en tout ou partie
- Certains médicaments, substances psychotropes ou susceptibles d’être utilisées pour leur effet psychoactif, dont la durée de prescription a été limitée pour des motifs de santé publique à moins de douze mois, par le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé après avis du CNOP et du Conseil national de l’Ordre des Médecins (CNOM).
- La première délivrance doit intervenir dans le mois suivant l’expiration de l’ordonnance.
En troisième lieu, le pharmacien d’officine procédant à la dispensation exceptionnelle est tenu d’en informer le médecin prescripteur dès que possible et de façon à garantir la confidentialité des échanges [en privilégiant le recours aux messageries sécurisées conformes aux référentiels d’interopérabilité].
Une dispensation « supplémentaire exceptionnelle » interrogée
Alors que le CNOP a publié un article résumant le contenu du décret de novembre 2024 sans formuler de commentaire spécifique sur sa portée au regard des missions du pharmacien d’officine, le CNOM a quant à lui souhaité attirer l’attention des médecins sur les éléments suivants :
- « Le pharmacien intervient en dehors du cadre d’une équipe de soins coordonnée par le médecin et de tout protocole organisationnel ;
- Dès lors le pharmacien qui délivrera au médecin une information a posteriori sur la délivrance supplémentaire exceptionnelle engagera sa seule responsabilité à l’égard du patient et l’information fournie au médecin a posteriori ne sera pas de nature à l’alléger ;
- Le Conseil national considère que le renouvellement de la prescription médicale, dont la durée a été fixée par le médecin, est le moment de la réévaluation de l’état de santé du patient ;
- Le Conseil national rappelle que la prescription médicale, le renouvellement du traitement, comme son adaptation, relèvent de la compétence du médecin. Dès lors le Conseil national a invité les pouvoirs publics à évaluer le dispositif pour s’assurer de sa mise en place à titre exceptionnel. »
Cette position témoigne ainsi des interrogations – voire de la perplexité – du CNOM quant à cette extension des prérogatives des pharmaciens d’officines, en matière de définition des responsabilités et de contrôle de son recours à titre « exceptionnel », en particulier regard du monopole médical.
En tout état de cause, force est de constater que le rôle central du pharmacien d’officine dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de maladie chronique est encore renforcé – et donc davantage confirmé – par les pouvoirs publics.
Ces éléments sont codifiés aux articles R.5123-2-1 [pour les médicaments] et R.5211-74 [pour les dispositifs médicaux] du Code de la santé publique.
Rédigé par Lorena Goudenège